vendredi 22 novembre 2013

Mail Online - 22 novembre 2013 [Traduction]

Elle vaut des millions, mais Dido était atteinte d'un manque d'assurance chronique. Jusqu'à ce que fonder une famille et fêter ses 40 ans lui ait donné la confiance en elle qu'elle désirait absolument

Balandez vous dans Upper Street, dans Islington, dans le nord de Londres, ou faites un saut dans le Waitrose [Ndlt : un supermarché] local et, qui sait ? vous pourriez bien rencontrer une superstar de la pop.

Avec 38 millions d'albums vendu et un best of prévu pour cette semaine, Dido est l'une des artistes du 21ème siècle ayant vendu le plus de disques, mais les hôtels particuliers, les avions privés et les équipes qui trainent à sa suite ne sont pas sa tasse de thé.

Aujourd'hui encore, 14 ans après qu'elle soit devenue célèbre avec l'album No Angel, Dido est toujours discrète et douce. Elle a 41 ans mais en fait dix de moins, elle ressemble en fait plus à une adolescente, tandis qu'elle joue avec son collier, son vernis à ongle noir écaillé. Ce qui a changé, c'est qu'elle a trouvé la paix de l'esprit.

Elle est mariée au romancier Rohan Gavin, fils de l'auteur pour enfants Jamila Gavin ; ils ont un fils de deux ans, Stanley, et elle est déterminée à vivre une vie ordinaire.

"Stanley adore faire les courses, parcourir les allées, porter les sacs de salades, explique-t-elle. Je ne veux pas d'une vie qui soit complètement différente de celle des autres, où je n'aurais pas mes amis et ma famille auprès de moi."

Stanley croit que sa maman ne chante que pour lui, et lorsque son groupe passe à la maison pour répéter, il pense être l'un des leurs. Lorsqu'elle a demandé à Stanley ce que faisait son papa, plus tôt dans la journée, lors de notre rencontre, il a répondu : "Il écrit des livres."

"Quand je lui ai demandé ce que faisait sa maman comme travail, il a semblé un peu pensif, comme pour dire : 'Elle travaille ?' Et puis, il a répondu : 'Maman mange des livres.' Je me suis dis : 'Où est-ce que tu as pêché ça ? Qu'est-ce que j'ai bien pu faire ?'"

En réalité, Dido a bien dévoré des livres toute sa vie, venant d'une famille de littéraires. Son père (qui est décédé), William Armstrong, était directeur général des éditions Sidgwick & Jackson, et sa mère, Clare, est poète. Baptisée Florian Cloud de Bounevialle O'Malley Armstrong (mais elle est devenue Dido au sein de sa famille, d'après la tragique Reine de Carthage), elle préférait, à juste titre, être appelée du nom plus commun Clare, d'après sa mère.

"Je suis sûre que ma mère est très fière du choix de mon nom, aujourd'hui, mais ça n'était pas marrant quand j'étais gamine. On n'a pas besoin d'une raison de plus de se sentir un peu exclu. C'est déjà assez dur d'être un enfant."

Sa mère, bohémienne, n'aimait pas que Dido et son frère Rollo (qui est devenu plus tard un de membres du groupe Faithless) invitent des amis à la maison, et il n'y avait pas de poste de télé ou de radio sous leur toit, mais il y avait beaucoup de livres. En grandissant, ils se sentaient en marge, mais Dido a l'impression que l'expérience leur a laissé un héritage riche.

"Ce que Rollo et moi avons gardé de notre enfance, c'est une véritable capacité à être seuls, à utiliser notre imagination pour créer notre propre divertissement. Nous adorons tous les deux lire, et créer des choses, alors quoi qu'aient fait nos parents, ça a marché, que ça ait été intentionnel ou non."

"Lorsque j'étais enfant, et ensuite adolescente, je voulais désespéramment rentrer dans le moule, et je n'ai jamais eu vraiment l'impression d'y être parvenue. Il faut être rebelle d'une certaine manière, lorsqu'on grandit, et j'étais une adolescente très difficile. Sur des photos de moi de cette époque, je suis un peu renfrognée, j'avais des cheveux très sombres, à la gothique. Le but n'était pas d'être belle, je ne l'étais pas, mais je croyais être cool, et j'ai gardé cette allure pendant toute cette période."

"On ne pouvait pas être tout sourire et heureux. Mais quoi que ce soit qui m'ait conduite jusqu'ici, je le considère comme une chance. J'ai toujours vécu ainsi. Je ne regarde jamais en arrière pour regretter quelque chose, parce que je me dis : 'Est-ce que je suis heureuse aujourd'hui ? Est-ce que ça va maintenant ? Oui.'"

Les racines de Dido se trouvent dans la musique classique. Elle a suivi des cours à la prestigieuse Guildhall School of Music de Londres, a joué du violon et du piano, et est partie en tournée en Europe au sein d'un ensemble de musique classique. Elle rêvait de devenir pianiste concertiste, jusqu'à ce qu'elle réalise qu'elle ne serait jamais assez bonne.

Après ses examens, à la fin du lycée, elle a travaillé dans une maison d'édition de renom, tout en étudiant le droit le soir. "Je ne sais pas pourquoi j'ai étudié le droit. Je voulais utiliser mon cerveau, d'une manière ou d'une autre. Ca n'a pas duré longtemps. J'essayais seulement de déterminer ce que je voulais faire [de ma vie]. La musique n'était qu'un hobby et ne semblait pas être quelque chose de réaliste. J'étais dans un groupe et on se produisait sur scène. Je faisais des concerts dont la publicité était imprimée sur la quatrième de couverture des magazines. Affreux."

Elle était fragile sur le plan émotionnel, durant ce temps là. Elle a souffert de crises de panique après avoir signé avec un producteur de musique, en octobre 1996. Dans son esprit, elle pensait avoir renoncé à la partie la plus intime d'elle-même, au réconfort que lui apportaient ses chansons. "La musique était mon unique refuge, le chose la plus solide dans ma vie, vers laquelle je me réfugiais lorsque j'étais heureuse ou triste. C'était mon moyen d'expression. Après avoir signé un contrat, la plupart des gens iraient faire la fête pour célébrer ça, mais j'ai pensé : 'Oh non !' J'avais le sentiment d'avoir cédé la seule partie non-contaminée de ma vie. Mais je m'en suis remise."

Sa musique est parvenue jusqu'au faiseur de tubes américain Clive Davis, qui s'est occupé de la carrière de Whitney Houston, et jusqu'au directeur de maison de disques L.A. Reid, qui est devenu par la suite juré dans le "X Factor" américain. En dépit de leur réputation de durs de la profession, les deux hommes se sont montrés sensibles à son talent fragile, et cela a pris plusieurs années avant qu'elle ne soit prête à affronter le public. Le résultat : l'album No Angel, sorti en 1999, qu'elle a emmené sur une tournée de trois ans autour des Etats-Unis, et dont elle a vendu 21 millions d'exemplaires.

Après sa sortie, elle a été surprise de recevoir une lettre du célèbre rappeur Eminem, lui demandant la permission d'utiliser une partie de sa chanson 'Thank You' dans son titre 'Stan'. Elle a accepté, et la chanson l'a aidée à devenir une star.

N'ayant pas vu Eminem pendant 8 ans, Dido a reçu un appel inopiné de son équipe, plus tôt cette année, pour lui demander si elle voulait interpréter 'Stan' à ses côtés aux festivals de Reading et de Leeds, pendant l'été. "J'ai tenu ça secret, et nous avons débarqué ce soir là. Le public était incroyable. Ils ont deviné de qui il s'agissait très rapidement."

Malgré le traumatisme d'avoir signé ce contrat quelque temps auparavant, elle a trouvé en la célébrité une place confortable, en grande majorité parce qu'elle ne pouvait appréhender l'étendue de sa célébrité.

"De manière assez amusante, c'était moins dur de m'habituer à la célébrité que de signer le contrat, parce que je n'en avais pas vraiment conscience. Lorsque les choses ont décollé, avec l'album, j'étais sur une tournée qui a duré trois ans, donc on n'a pas conscience de ce qui se passe dans la vraie vie."

"Vous êtes dans un contexte super cool où vous vous levez, vous montez dans le bus et vous faites votre concert. Jusqu'à ce que je rentre chez moi, je n'avais pas réalisé ce qui s'était passé. Il y a eu des petits incidents qui m'ont fait réaliser, comme lorsqu'un journaliste s'est présenté chez ma mère. Je pense avoir été traitée avec un incroyable respect, et j'en suis reconnaissante. Mais je n'ai rien à cacher, tout est dans ma musique, de toute façon."

Elle est toujours autant passionnée par sa musique, et elle travaille en ce moment sur un nouveau projet, mais tout est secondaire face à son rôle de maman. Stanley, dont le nom n'a rien à voir avec la chanson d'Eminem, l'a aussi aidée à se lier avec sa propre mère. Lorsque Dido avait 15 ou 16 ans (elle n'arrive pas à déterminer son âge), elle a quitté le foyer familial à cause de leur relation conflictuelle.

Elle a dit un jour : "C'était simplement difficile pour nous deux de vivre dans la même maison." Elle rit, avec peut-être un brin d'embarras, à ce souvenir, et endosse toute la responsabilité. "Je n'étais probablement pas de la meilleure compagnie. Mais aujourd'hui, nous avons des discussions merveilleuses. Elle est l'une des personnes avec qui j'aime le plus parler."

Elles vivent désormais à quelques mètres de distance. "C'est une personne formidable, intelligente à en faire peur, une compagnie géniale et une révélation dans le rôle de grand-mère. L'amour et la joie qui apparaissent sur le visage de Stanley lorsqu'elle vient rendre visite... Je ne voudrais perdre ça pour rien au monde."

Dido était très proche de son père, qui est décédé en 2006 des suites d'une longue maladie. Son premier single, 'Here With Me', a été écrit le soir où elle est rentrée chez elle, après être revenue de l'hôpital où son père avait été admis pour la première fois, gravement malade. Elle était présente à son chevet, pour lui chanter sa chanson préférée, 'Raglan Road' de The Dubliners, tandis qu'il était mourant.

Les paroles, écrites par le poète Patrick Kavanagh, parlaient de la tante de William, Hilda O'Malley. "Papa me jouait cette chanson lorsque j'étais enfant. C'était une chanson à laquelle nous étions tous les deux très attachés, et je la lui ai chantée sans arrêt lorsqu'il était malade." Elle a écrit le titre 'Grafton Street' sur son album Safe Trip Home, sorti en 2008, d'après 'Raglan Road', comme un hommage à son père. "My love I know we're losing but I will stand here by you "("Mon amour je sais que nous sommes en train de perdre mais je resterai ici à tes côtés"), a-t-elle écrit.

La personnalité de Dido s'est transformée au cours des années. Elle respire la satisfaction, mais pas d'une mannière suffisante. Elle a simplement trouvé son centre de gravité. "J'étais probablement beaucoup plus fragile lorsque j'ai débuté ma carrière. Je suis bien plus sûre de moi qu'auparavant. C'est en partie dû au fait de vieillir. Avec vos 40 ans survient une vague d'acceptation."

"J'ai l'impression de comprendre maintenant. Peu m'importe d'être appréciée, c'est comme ça. Ca m'a pris une bonne vingtaine d'années pour comprendre ça. La moitié de ma carrière est basée sur le fait de vouloir être aimée, mais on en arrive à un point où on se dit : 'Tout le monde ne peut pas m'aimer, et je l'accepte.' Du moment que les gens que j'aime m'aiment en retour."

Traduction de Dido France. Reproduction interdite.